Pourquoi les taxis sont-ils de nouveau en grève ce lundi ? (2024)

Ils ont appelé à une nouvelle mobilisation un peu partout en France ce 4 mars. La cinquième fois en trois mois.

Les raisons de la colère sont profondes et dépassent les sempiternelles guéguerres entre les VTC et les taxis... À l’appel de plusieurs syndicats, les chauffeurs de taxi venus «de toute la France» ont prévu de «converger» ce lundi vers la place du Trocadéro à Paris, et ce, afin de dénoncer la «nouvelle tarification insoutenable imposée par l’Union Nationale des Caisses d’Assurance Maladie (UNCAM)». Et c’est bien cette décision - prise «unilatéralement» par l’Assurance Maladie au détriment des taxis conventionnés selon les deux syndicats de la FNAT et de la FNDT - qui est au cœur de leurs revendications. Car aujourd’hui, alors que ce service a toujours existé, le transport de malade n’attire plus les chauffeurs de taxi, qui préfèrent réaliser des courses «classiques» plus rémunératrices.

«Transporter un malade, ce n’est pas transporter un colis. Le chauffeur a une obligation d’accompagnement: il vient vous chercher dans votre chambre d’hôpital, s’assure que vous rassembliez vos affaires, vos ordonnances et vous raccompagne avec vos affaires sous le bras, en vous aidant jusqu’au cinquième étage de votre immeuble s’il le faut», explique le président de la FNAT Bernard Crebassa, avait de pointer que ce «temps de travail» n’est de fait «pas rémunéré».

Et c’est tout le problème aujourd’hui: de plus en plus de chauffeurs de taxi ne veulent plus être conventionnés et préfèrent exercer des courses «classiques». Car si les chauffeurs conventionnés affirment être souvent le seul lien social pour les malades et estiment même se substituer à un service public de proximité défaillant, il n’en demeure pas moins qu’ils ne peuvent réaliser ce service à perte, soulignent les syndicats à l’origine de la mobilisation ce lundi. En ce sens, ces derniers regrettent que «l’organisme social méprise la réalité économique du secteur». Résultat: selon les professionnels du secteur, «il est devenu de plus en plus difficile pour les patients de réserver des courses de taxis conventionnés pour le transport de malades assis». Un «manquement grave de l’État» selon eux «à son devoir de garantir l’accès aux soins».

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La «nouvelle tarification» pose problème

Mais concrètement, quel est le problème? Le dilemme est indéniable: d’un côté, l’Assurance Maladie veut faire des économies, alors que les dépenses de transport de malades a représenté pas moins de 5,5 milliards d’euros en 2022, et de l’autre, les chauffeurs taxis refusent de réaliser ce service - qu’ils estiment être une mission de service public - qui leur rapporte de moins en moins. «Les frais d’un transport effectué par une entreprise de taxis ne peuvent donner lieu à un remboursem*nt que si l’entreprise de taxis a préalablement conclu une convention avec un organisme local CPAM», rappelle l’Assurance Maladie, lors de la présentation de la nouvelle convention-type 2024 pour les taxis conventionnés.

Et c’est justement celle-ci qui suscite l’indignation des chauffeurs de taxi, alors que l’Assurance Maladie a, selon eux, «publié unilatéralement cette convention type, exemptée de ses plafonds tarifaires de remise sur les courses conventionnées» avant d’«appeler dans la foulée les caisses départementales à renouveler avant la mi-février leur convention avec les entreprises de taxi, mises au pied du mur». «On ne peut pas rouler à perte. Si on continue à avoir des remises tarifaires trop importantes exigées par la CPAM, on ne sera plus rentable, on ne pourra plus rouler», témoigne par exemple Xavier Cavelan, un chauffeur de taxi normand qui assure à France 3 Normandie dépendre financièrement de ces courses médicales.

Du côté de l’Assurance Maladie, on minimise un peu le problème, alors que «cette nouvelle convention ne s’applique que pour l’année 2024». «Des discussions sont actuellement en cours afin d’élaborer une nouvelle convention», et ce, avec l’idée «de faire ça en parfaite concertation avec les chauffeurs de taxi», précise-t-on en interne, avant d’expliquer que ces derniers sont «gagnants malgré tout» dans la mesure où ils bénéficient, avec cette nouvelle convention, «d’une augmentation de leurs rémunérations».

«Les taxis ne sont pas prescripteurs mais les simples ouvriers de la politique de soins en France. Ils n’interviennent que sur ordonnance de transport, prescrite par le corps médical et en aucun cas, ils ne suscitent la demande, ni ne tirent un quelconque enrichissem*nt de son augmentation», précise d’ailleurs la présidente de la FNDT Emmanuelle Cordier. Pour les professionnels du secteur, il s’agit uniquement de se mobiliser «pour la survie du taxi médicalisé aujourd’hui menacé», afin «de continuer à garantir aux Français qui le nécessitent, un service de qualité, adapté à leurs besoins». «Tout comme ils préservent la dignité des malades dans leurs parcours de soins, ils réclament aussi à exercer leur métier en toute dignité», écrivent les deux syndicats de la FNAT et de la FNDT, réclamant «à être reçus urgemment à Matignon, par l’ensemble des différents ministères liés aux enjeux du secteur».

Le transport partagé également dans le viseur

Ils dénoncent également l’obligation du transport sanitaire partagé, qui «est un mode de régulation intéressant tant pour l’Assurance Maladie que pour les taxis», selon la nouvelle convention, qui plaide pour «promouvoir» cette solution. «En prenant plusieurs personnes dans le même trajet, on peut compenser le manque à gagner, mais c’est difficile à organiser. Les clients n'ont pas les mêmes contraintes horaires, on devra faire attendre des malades», réagit une chauffeur de taxi à ce sujet auprès de France 3 Normandie.

Une nouvelle façon de penser, qui intervient dans un contexte où le gouvernement entend réaliser pas moins de 3,5 milliards d’euros sur le système de santé, dans le cadre du projet de loi de finances (PLFSS). Fin octobre, le ministre délégué chargé des Comptes publics Thomas Cazenave avait ainsi annoncé son ambition de faire «quelques économies sur le transport sanitaire». Loin d’être anecdotique, cette mesure prévoit d’encourager fortement les patients qui utilisent un transport sanitaire pour se rendre à un rendez-vous médical à le partager, sous peine de payer un supplément.

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